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LE DENTIFRICE EST EN KOLERE
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25 septembre 2007

EMGOH 2

[1x02]EMGOH(shibuyasubs)

Delicious Amédée (must try it !)

Monkey beat !

«... Et c'est pourquoi nous avons fait tenir le produit général dans un corps a deux versants, afin de faciliter son inflitration dans une circonstance militaire, comme dans une circonstance de pure infiltration. »

Il y eut quelques toussotements dans la docte assemblée. Au premier rang de l'hémicycle, quelques vieux barbus en haut de forme et monocle se toisaient avec circonspection. Celui du centre, qui avait un bicorne et une queue de pie, finit par prendre la parole.

« Docteur Emgoh. Nous comprenons bien la nature de vos travaux, subversifs comme à leur habitude. Cependant, pourquoi devrions nous financer un projet très explicitement destiné à être retourné contre notre nation ? »

Le scientifique hirsute gratta ses cheveux à la recherche d'une réponse pertinente.

« Le quatrième amandement de la loi sur la subvention de la recherche ? » Tenta-t-il.

Cette loi faisait référence au fait qu'un chercheur ne pouvait pas être évacué du programme de subvention pour ses opinions politiques, sa race ou sa religion.

« Vous en avez une lecture particulièrement optimiste, souligna l'académicien au bicorne. Vous pensez sincèrement que nous allons donner un financement pour une production en série de cette horreur simplement parce que vous avez fondé une association à but non lucratif pour anéantir l'Empire ?

_ C'est ma prérogative de citoyen. »

L'Empire de Microfulgur n'avait jamais poursuivi un citoyen pour dissidence de pensée. Il avait une autre méthode pour soumettre les volontés que la répression. Néanmoins, un comportement élémentaire de sauvegarde identitaire l'empêchait tout de même de financer n'importe quoi, surtout quand n'importe  quoi prévoyait dans son cahier des charges de pulvériser ses employeurs.

« Bon, dit le doyen. Il est évident qu'une application stricte de la loi nous conduirait à vous envoyer en stage de perfectionnement facultatif de citoyenneté... » (il y eut quelques murmures éprouvés dans la foule à l'évocation de cette peine atrocement sévère réservée aux pires criminels de l'Empire.) « Cependant.... (il rajusta son lorgnon) au regarde de l'audace peu commune qu'il vous a fallu pour venir ici, nous nous contenterons de vous mettre une mauvaise note et de chahuter vos théories fumeuses. Messieurs ! Chapeaux ! »

Les académiciens du banc se levèrent et commencèrent à projeter leurs hauts de formes vers l'estrade. Le public commença à faire de même, en prononçant les formules rituelles.

« Charlatan

_ Cette théorie devrait être mise à l'index !

_ Foutriquet !

_ C'est un scandale, qu'on fasse cesser cette mascarade ! »

Le professeur s'enfuit avant d'être enterré sous une impressionnante pluie de couvre-chefs. Par politesse, il leva néanmoins les bras au ciel en criant quelques formules hystériques de prophète de la science.

« Pauvres fous ! / Vous vous en mordrez les doigts ! / Et pourtant elle tourne !1 »

Quelques instants après qu'un employé de l'Académie Madolienne de Science ait ramassé les chapeaux éparpillés, la scéance de subventions reprit son cours, et une énorme bourse fut attribuée à l'inventeur d'un barbecue rotatif. Un peu plus tard, un petit malin vint réclamer des arriérés parce qu'il venait de breveter l'Univers, et il fallut procéder à une redistribution des hauts-de-forme dans les rangs pour pouvoir le traiter à sa juste valeur.


*


Gontran et Adalbert végétaient devant la télévision d'Ezop, se chicanant pour déterminer s'il valait mieux regarder une chaine de musique japonaise ou rallumer une des consoles de leur camarade parasité.

« On devrait peut-être songer à se pointer en cours, non ? Finit par suggérer Adalbert.

_ Ouais, sûrement, mais on devrait aussi voir ce qu'Ezop cache dans son frigo, avant, proposa Gontran” dont l'estomac était à la limite de devenir un Univers parallèle.

Il prirent une sorte de petit déjeuner dont beaucoup d'éléments pouvaient être qualifié de « vieux ». Vieilles céréales sèches, vieille orange flétrie, vieux lait solide. Ils étaient la preuve vivante – tout est reltif – de l'extrême solidité de l'estomac des geeks. En avalant leur mixture, ils tombèrent sur Dany, Galatic Fish, une série de science fiction vieille de quelques centaines d'années, faite par et pour des geeks qu'ils idolatraient et dont ils connaissaient chaque réplique par coeur. D'ailleurs, ils se récitaient à l'avance les répliques de l'épisode 822 quand de la friture se mit à apparaître sur l'écran. Très brièvement, ils crurent voir une soubrette. Puis un lapin. Puis un lapin et une soubrette. Puis quelque chose d'humanoïde, de ramassé, de poilu. Des sons étranges leurs parvenaient de loin en loin. Ils se regardèrent en plissant les yeux, mais très vite l'image revint à la normale, leur laissant un très profond sentiment de malaise.

« Si... Si on allait en cours ? Dit Gontran ou Adalbert.

_ Oui... Allons en cours” dit Adalbert ou Gontran

Ils quittèrent l'appartement en oubliant soigneusement de fermer la porte derrière eux. Le visage incroyablement sensuel d'une jeune femme se dessina plus précisément sur l'écran. La petite bouille mignonne d'une petite boule de poils surmontée de deux grandes oreilles de lapin au bout desquelles s'agitaient des plumeaux à la façon des lynx se colla à la vitre. Elle avait un air presque aussi humain que la jeune fille.

“Personne pour le moment. C'est la bonne adresse pourtant. Il faut vérifier encore.”

Elle disparut de l'écran.

“Pôrô ? Articula la bestiole en s'appuyant sur l'écran comme s'il allait brusquement basculer dans la réalité et le salon d'Ezop.

_ Viens ici, toi !” Dit la voix de la fille.

Une main fine et gantée de blanc le tira hors du champ de la télévision.

La vraisemblance toussota un peu, laissa un ange passer, et le flux de réalité reprit son cours normal, en l'occurence ici celui d'un appartement vide.


Le Lycée Puma VII Roi de Monaco2était un produit monstrueux d'une expérience ratée d'eugénisme scolaire. Il avait été conçu comme un lycée BCBG pour riche banlieusards, taillé pour produire des réussites à trois chiffres aux concours des écoles les plus prestigieuses. On ne recrutait que sur dossier, dossier contenant des extraits de compte des parents et des évaluations de QI. De fait, c'était réussi, les magnifiques blocs de pierre blanche accueillaient 50% de riches génies mal élevés, appelés à se déverser comme les victimes d'écrouelles à la Cour de France dans les plus hautes strates de la société. Mais comme un médicament trop puissant vitrifie son patient, le Lycée Puma VII avait chassé les autres lycées du coin, ou plutôt il les avait absorbé.

Les énormes frais d'inscriptions de cet établissement privé l'avaient doté à terme d'un cinéma, d'un golfe, de téléporteurs, d'un spatioport et d'une armée propre. Ce faisant, il avait déclanché une polémique monstre lors de l'affaire dite du “Ces petits cons du public ont déjà un prof pour cent, pourquoi n'auraient-ils pas une chaise pour deux ?”, qui avait amené les parents des quartiers alentours à manifester avec bruit. Craignant le Grand Soir, le Gouvernement du Monde avait rétabli la carte scolaire et autorisé la fusion du 92-bis (le département autonome formé par Puma VII) avec les autres lycées à cent kilomètres à la ronde.

En pratique, cela avait consisté à déverser des milliers d'élèves de classe moyenne au milieu des fils à papa. Cette mixité sociale forcée avait fait plonger les résultats du lycée, non pas parce que les pauvres étaient plus mauvais étudiant, mais parce que d'une manière globale, tout le monde s'était mis à jouer l'Internationale contre la Carmagnole Royaliste dans les couloirs. Ajoutez à ça la mixité, et vous comprendrez que le prestigieux lycée était en fait une usine à gaz tourt à fait banale, à ceci près qu'elle comportait énormément de gens particulièrement riches, qui formaient des clans hargneux face à des clans hargneux de pauvres, autant dire que les études, dans tout ça, ben heureusement que cette histoire ne s'attardera pas dessus, parce que c'était une vraie fabrique d'andouilles.

Une sorte de salad bowl de crétinerie.

D'ailleurs les gens modestes qui avaient un milligramme de bon sens envoyaient leurs enfants plus loin, quitte à leur faire pratiquer des options bizarre comme le tricot sur glace, et les gens riches avisés avaient opté pour des lycées un peu moins prestigieux mais plus efficaces de la banlieue parisienne.

Les parents d'Ezop étaient tout sauf avisés et la famille de Gontran et d'Adalbert était totalement inconnue au bataillon. Quand à la jeune Lilly, ses parents étaient tous les deux des cadres éminents du Parti Tchakotique. En bons radicaux, ils avaient appris à leur fille la franchise, le travail et l'amour du travail bien fait dans son lycée de rattachement, peu importe qu'il sente bon le futur de retourneur de hamburger. Aussi suivait-elle une scolarité assez brillante, mais ponctuée d'assez violentes disputes, justement, un peu plus que dix putes, puisqu'elle était une des ennemies attitrées des clans des petites princesses hypocrites, couvertes de marques et de bijoux qui gloussaient le long des couloirs par bande de trois.3

Lilly essayait en sus de sa navigation dans les eaux troubles de la survie social en milieu lycéen de faire d'Ezop un bon élève. Elle n'avait pu que lui assurer un passage du premier coup, in-extremis, en terminale littéraire, ce qui était déjà pas mal, étant donné que le seul domaine ou Ezop aurait pu prétendre à l'excelence c'était celui de passer pour le plus gros taré de service du coin, ce en quoi il n'était déjà pas le plus grand prétendant au titre.

Le plus grand prétendant au titre était Amédée Deporitaz Biglieto². Amédée l'Ringard de son nom usuel, puisque même les enseignants avaient fini par le désigner par ce sobriquet. Le plus cinglé du canton, ça il l'était, comme le virent une fois de plus Lilly et Ezop à la descente du bus, qui se posa en flotillant sur l'astroparking du lycée. Il y avait un atroupement devant les grilles blanches du gigantesque portail sur lequel veillait une titanesque statue en or massif d'un homme lion tenant une grosse tête joufflue et coupée de Grimaldi. Le cou faisait fontaine, et l'eau de Paris était rendue couleur de rouille par la pollution planétaire. C'était du meilleur effet, surtout pour les amateurs de cinéma bis.

Une quarantaine d'élèves s'étaient attardés pour regarder le spectacle offert par Amédée. La prestation allait s'annoncer pathétique, certes, mais suffisament pathétique que cela allait déclancher un sujet de conversation qui durerait pendant de nombreuses demi-journées, ce qui était énorme dans un cadre lycéen volatile et écervelé.

Toute structure de groupe suffisament importante et relativement normative (entreprise, école, presbytère, camp scout) finit par broyer l'individu dans la masse du nombre. Son taux de banalité et d'anecdotisme fait rapidement saturer la créativité de l'air ambiant, et comme une cocote minute trop chauffée, finit par produire un énorme sifflement de marginalité, qui se concentrait dans un individu aléatoire4, qui devenait très rapidement le “type moche-rigolo qui nous a bien fait marrer avec ses conneries à la dernière récré/séminaire/AG”. Amédée était depuis trois ans élu “Elève le plus certainement destiné à faire parler de lui à une émission de tous les recors insolites dans un futur proche”. Il n'usurpait pas son titre.

Pour épater la galerie, Amédée l'Ringard était tout a fait capable d'ingérer un nid de vers. Il avait simplement pour la beauté du geste composé toute une quincaillerie de colliers et de bracelets fait en trombones dépliés et repliés tout à fait à l'identique dans l'autre sens, et à la main, celui lui avait pris un mois de travail et quelques centaines de litres de redbull du robinet.5 Il s'habillait de chemises à carreaux roses, portait des escarpins, des couronnes de galette des rois et des shorts, et couvrait parfois une de ses mains d'une chaussette de ski-marionnette prénomée Big Mommah qui lui donnait la réplique lorsqu'il racontait des blagues. Il était littéralement impossible d'être plus bizarre qu'Amédée l'Ringard, qui avait même des tares physiques improbables telles que des dents sortant très en avant et se recourbant à leur extrémité vers l'intérieur de sa bouche. Tout le monde parlait sans arrêt de lui, ce qui avait tendance à faire déprimer Ezop, qui était vraiment un petit joueur à côté de lui.

“Qu'est-ce qu'il a encore inventé, celui-là ? Grommela-t-il en descendant sur le parking.

_ On s'en foche complètement, tonna Lilly. Allez Zozo, tu es déjà en retard !”

Elle essaya de le traîner vers la cour du lycée mais le geek, masoschiste, insista pour rester et assister à la scène. Lilly n'insista pas, le plantant là en le traitant d'imbécile et alla en salle d'étude. Ezop joua un peu des coudes pour se faire une place et regarder ce qu'était en train de faire Amédée.

Il était laid à faire peur, engoncé dans un t-shirt orange à col moumoute et un short mauve a franges. Il essayait de se dresser sur les épaules de trois débiles du club d'informatique rétro, des sociopathe qui passaient leur temps à “programmer du C++ et du Basic parce que ça au moins c'était des langages qui en valaient la peine.” La pyramide était particulièrement branlante, du fait du dramatique manque de force physique et d'équilibre des informaticiens. A chauqe fois que l'un des quatre individus chutait et se retrouvait les quatre fers en l'air, il déclenchait des rires amusés dans l'assemblée et quelques cris d'encouragement ironiques. Ezop, lui, ne voyait absolument pas ce qui était risible là-dedans, il se contentait de trouver ça nul et de chougner dans son coin, tel un enfant qui vient de voir son camarade de bac à sable faire un pâté plus réussi et qui déclare que les pâtés c'est vraiment pour les bébés.

“Parrait qu'il s'est entrainé à faire ça pendant toute la nuit ! Dit quelqu'un dans l'assemblée.

_ Gnih, trois nuits en fait, précisa Amédée de sa voix éraillée de canard tabagiste en essayant de poser ses vieilles basket en toile couleur or sur les épaules d'un de ses acolytes.

Après encore quelques tentatives, il parvint à se tenir en équilibre sur les épaules des informaticiens. Il écarta grand les bras pour réclamer le silence de l'assemblée.

Il prit un visage d'énervement très exagéré, fronçant outrageusement ce qui lui servait de sourcils.

“Ah. Aujourd'hui je suis vraiment... Sur les nerds !”

Une cohure d'ange passèrent en bousculant le portillon du silence. Après une poignée d'interminable secondes, la foule se mit à éclater d'un rire moqueur mais franc.

“Et t'as mis trois jours à faire un truc pareil ! Pouffa une fille.

_ Haha c'est nul, t'es vraiment un pauv taré ! Pouffa quelqu'un alors que la pyramide s'effondrait sous le marginal.

_ Quel ringard celui là alors !

_ Tout ça pour ça, haha !”

La foule, rassasiée, se dispersa alors lentement et joyeusement, avec une nouvelle histoire de happening scolaire à raconter pendant les mois et les années suivantes. Alors qu'Amédée se relevait, content de lui, en époussetant ses vêtements, il remarqua qu'Ezop était encore là à le toiser.

“C'est bon heu... J'ai fini, là, avertit-il.

_ C'était naze ! Lança le challenger sur un ton qui tenait autant de la menace que de la jalousie bête et méchante.

_ Oh ben ça tombe bien, chantonna l'autre. Personne te force à aimer, justement. Bon. Maintenant je pense que je vais changer de projet et ouvrir un club de macramé !

_ T'sais Amdédée, un jour on parlera plus de moi que de toi !”

L'humanoïde le regarda avec un air neutre, et se cura le nez quelques secondes avant d'en ressortir un long filament vert.

“Eh, tu veux que j'te chante un truc sur les crottes de nez ? Je connais plein de chansons qui parlent de ça ! Affirma Amédée, dont la personnalité profondément pacifiste ne souhaitait pas spécialement engager un duel de psychopathe avec quelqu'un qu'il ne connaissait absolument pas.

_ J'vais faire des trucs énormes de ma vie, des trucs dont tout le monde se souviendra pendant des années.”

Amédée réfléchit et sembla avoir une illumination.

“Ah je sais ce qu'on pourrait faire. Je connais un truc bien ringard du vingtième siècle qu'on pourrait reprendre tous les deux. Ca s'appellait “Geek Together”. Imagine ça, on se déguise tous les deux, genre en informaticiens dégénérés -désolé les mecs- (les autres bredouillèrent de vagues “y'a pas de mal”), et on se met à danser un peu comme des robots désarticulés en chantant “One Two One Two The Atari Crew...”... Hum attends, encore mieux je suis sur que je pourrais en bricoler une version funky...”

Ezop allait s'emporter et lui crier que ce qu'il voulait c'était la guerre et non pas une profitable -mais de son point de vue humiliante- alliance stratégique, quand Gontran et Adalbert, en sueur, se précipitèrent vers lui, manifestement essouflés, ce qui sous-entendait qu'ils avait fait un effort physique. Ils n'étaient pas poursuivis, ce qui impliquait qu'ils avaient quelque chose à dire qu'ils considéraient comme capital.

Autant dire qu'ils n'avaient de ce point de vue pas toujours la même façon de hierarchiser l'importance des choses que le pékin moyen.

“Eh “Zozo”, fit Gontran ou Adalbert. On était chez toi en train de regarder Dany, et il s'est passé un truc bizarre !

_ Regardez pas Dany sans moi, geint-t-il. Quel truc bizarre ?

_ L'image s'est comme floutée, tu vois, et on a entendu comme des couinement de filles. Et c'est comme qui dirait si on avait vu genre une nana super bien roulée derrière du brouillard.

_ Tu vois on en a parlé en chemin, embraya Adalbert ou Gontran. On est quasiment certain que ta console de réception télévisée est à quelques fréquence de capter une chaine X !

_ Parce que vous avez vu une silhouette dans le brouillard qui couinait ? Demanda Ezop. Vous pensez que je capte une chaine porno parce que vous avez vu quelque chose couiner dans le brouillard ?”

Dit comme ça, la discussion passionnée qu'ils avaient eu en chemin pour se convaincre du côté rationnel de ce qu'ils avaient vu et leur tentative d'auto-persuasion pour en faire quelque chose de positif ne ressemblait plus à grand-chose.

Ezop soupira, secoua la tête et décida de laisser tomber tout ça pour le moment. Il alla donc en cours, ce qui arrive parfois aux garçons de son âge.


*


L'énorme citadelle rose et orange flottait au centre de l'Univers. Elle diffusait dans les parsecs alentours une fine atmosphère suffisante pour pouvoir respirer sans scaphandre en cas d'accident6. On pouvait ainsi entendre la musique douce que la citadelle diffusait pour le bon plaisir de la population. Il y avait alors des reprises de chanson des iles au banjo et à la guimbarde.

Le vaisseau de Pampa Huzzah s'amarra à un des nombreux ports du planetoïde. A l'arrivée, il y avait une horde de soldats en rang, au garde à vous, revêtus de chemises à fleur rouges et de casquettes à hélice.

“Oh, sapristi, dit Pampa Huzzah à son assistante. Regardez par le cockpit, Zÿõ ! Ils ont sorti l'artillerie lourde.”

Elle regarda et poussa un petit cri impressionné.

“Mais ce sont...

_ Oui. Les Gardiens de la Revolution Cocotière. Il semblerait que ça ne soit vraiment pas un exercice.”


*


La journée de cours se passa, morne et presque agréable dans son côté abrutissant. Ezop ne reçut que quelques quolibets de gens qui le traitèrent de moule parce qu'il ne se pressait pas assez dans les couloirs, mais rien que de très banal. Du moins, jusqu'à midi, la journée ne fut pas pire qu'une autre. Cependant, il y eut Kevin.

Peu importe qu'il se soit appelé ou non Kevin. Peut-être s'appelait-t-il Bruce, Brandon ou Johnny. Ou peut-être qu'à l'époque de notre récit, les parents moins intelligents que la moyenne s'était mis à appeller leurs enfants Malonga Bitonga, et peut-être était-ce là le nom de notre homme. Mais disons qu'il s'appellait Kevin. C'était un imbécile, comme son nom l'indiquait, et le type d'imbécile que le milieu lycéen épanouit comme l'eau saumatre épanouit la dysentrie. Il avait échappé à l'acné, ce qui suffisait au milieu de ses camarades à le transformer en canon anatomique qui pouvait embaler de la meuf aux boums. Et allez, devinez quoi, il était bête et méchant. N'importe quel lecteur des évènements narrés ici ayant eu une adolescence normale sait de quoi il est question. Le connard au physique non-ingrat prénommé Kevin avec qui dansait les filles.

Passé le lycée, les filles choisissent au moins de danser avec des connards riches, c'est quand même plus classe.

Kevin donc, bien décidé à faire glousser les adolescentes à la tendresse monayable qui le suivaient, entreprit de lancer de petites boulettes en cartonminium7à Ezop qui prenait son déjeuner seul sur un banc, dans les riches jardins prétentieux qui servaient de cour de détente aux étudiants de Puma VII. Ezop n'en prenait pas spécialement ombrage, recevoir des petits bouts de carton dans le cou faisait parti de son quotidien scolaire depuis son enfance, et c'était toujours mieux que de se faire tirer l'arrière du slip jusqu'en haut du t-shirt. Il endura le jet régulier de boulettes pendant une vingtaine de minutes avant que Lilly ne vienne rompre ce sinistre équilibre en surgissant entre la pelouse d'où Kevin confectionnait ses boulettes et le banc d'Ezop. Elle lança un regard de défi au bellâtre, les poings sur les hanches.

“T'arrêtes de lui faire ça tout de suite, Kevin ! S'écria-t-elle.

_ Kes tu ve ??? répondit Kevin Steven – disons que c'était son nom de famille – en rejetant sa frange de chanteur pop idiot en arrière.

_ Il peut pas se défendre alors arrête de l'ennuyer comme ça !”

Ezop se retourna : c'était un nuage dans sa morne journée qui n'attendait que l'éclaircie du retour à la maison pour regarder la télé. Une jeune fille plus jeune que lui d'un an était en train de prendre sa défense devant tout le monde en prétextant “qu'il ne pouvait pas se défendre”. Ezop eu l'image mentale d'une alliance militaire ou un des deux partenaires aurait balancé à l'autre une caisse de grenades dégoupillées en gage d'amitié.

“lol sa race, je fe ce que j ve ! Rétorqua subtilement Kevin. Fou moi la pé, mdr.

_ Ouais d'abord fous-lui la paix, Lilly ! minauda une des garces en mini-short qui volait comme une mouche bleue autour du jeune homme.”

Elle se planta devant Lilly, tout groin et griffes dehors, avec un air de razorback travesti.

“Dégage, cria la meilleure amie en jetant l'effrontée au sol. C'est au crétin des Alpes que je parle. Quand je voudrais un cours de maquillage option bâtiment et travaux publics je te ferai signe.”

Des gens qui passaient là par hasard firent “houuuu houuuu” en mettant la bouche en cul de poule pour tenter de mettre de l'huile sur le feu. Dès que les bonnes répliques commencent à pleuvoir, n'importe quel endroit public se met à se peupler de ce genre de passants. Les autres filles se relevèrent, prêtes à engager une lutte létale à base de cheveux tirés et de griffures de soutifs. Mais Kevin eut un geste magnanime qu'il croyait chevaleresque. Il écarta sa piétaille.

“Non c'é entre el et mwa, lol. Rekulés lé fille.”

Il se leva et se planta devant Lilly, la dépassante d'une bonne tête bien vide.

“Pkoi tu défan se débil ?”

Lilly lui lança un regard ferme, traduisant mentalement ce que Kevin disait avec sa syntaxe particulière.

“C'est mon ami, et il est très fragile ! C'est normal que je lui vienne en aide avec le charisme que la nature m'a donné alors que lui il a rien du tout pour se défendre face a des idiots comme toi  ! Ezop n'a ni ta force physique ni ta popularité ni un groupe d'amis pour lui venir en aide ! Il faut bien que je le materne, sinon il se fait persécuter !”

Bonjour Tching Tchong-San, songea Ezop, filant la métaphore. Moi le général Suzuka, je vous offre ce magnifique contingent de huit millions de soldats pour défendre votre pays. En échange, il faut simplement me céder la Mandchourie, faire sauter toutes vos villes, et vous planter ce sabre dans le ventre pour me prouver votre loyauté. Oh, et vous serez parfaitement aimable si en guise de testament vous me léguiez ce magnifique contingent de huit millions de soldats.

Kevin le regarda comme si elle venait de lui réciter l'intégrale des mémoires de Lacenaire : de manière vide, bovine, et vaguement intéressée par quelque chose qui avait peu de rapport avec ce qu'elle venait de dire.

“Lol jte kif tro, lol. Fo mé tro ke tu soi ma meuf !”

Les passants qui s'étaient éloignés revinrent brutalement sur leur pas et firent “houuuu houuuuuu” en mettant la bouche en cul de poule. Ils avaient failli rater le meilleur. Galvanisé par cet encouragement circonstanciel, Kevin mit sa main sur la joue de Lilly.

Quand le genou de la jeune fille percuta les Ongas Bongas de l'idiot du lycée, les passants dirent “houlala” et “ayAYAY”, et disparurent, leur fonction utilitaire accomplie. Kevin s'effondra en avant, les mains accrochant avec douleur son entrejambe.

“arg gé mal :(“

Lilly ne le prit pas une seconde en pitié et se tourna vers Ezop qui n'était plus là depuis un moment.

“Ben... Zozo ? Ou t'es Zozo, cria-t-elle à portée de voix de toute la cour de récréation.”

Ca ne vous dérange pas si je teste ma bombe nucléaire sur votre plus grosse ville, cher ami ?” “Oh, je vous en prie, faites. Nous sommes amis. Haha.”


*


Le docteur Emgoh venait de raccrocher son énorme téléphone rouge fluo. Son banquier était catégorique, il n'y avait plus d'argent dans les caisses de sa société. Il regarda les derniers résultats d'analyse de l'éxpérience de la matinée : de toute évidence le projet n'était pas au point, ce qui s'était passé sur Terre le prouvait. Il y avait des parasites, c'était vraiment hasardeux.

En même temps, ils allaient reprendre l'Ancienne Maison sous peu. Il fallait empêcher ça. Il tourna la tête vers la table d'expérience où était étendu un petit corps féminin et une boule de poils.

“Il va falloir les renvoyer au Point d'Impact.”


EMGOLEXICON II

Le vocabulaire du EMGOH pour les idiots.


Acné : Infractuorité pleine de pus constellant le visage ingrat des adolescents.

Basic, C++ : langages informatiques antiques et désuets, limités et compliqués, bref, de la merde, mais c'était mieux avant quand même. Ahh la divine époque ou on tapait “Dir machinchose” et ou on avait des répertoires qui s'affichaient. Pas comme maintenant avec toutes ces affreuses fenêtres.

Chaine X : Canal de représentation de sport pour adulte diffusant ses programmmes après l'heure ou Gros Nounours a envoyé au lit les enfants sages. Pour ceux qui ont encore un doute, le fait que des gens recoivent ces chaines gratuitement est une légende urbaine Je vous assure, pas la peine de prier. Si vous voulez avoir un semblant de décodeur, agitez sèchement une passoire entre vos yeux et le cryptage, ça ne marchera pas mais ça sera du meilleur gout.

Ecrouelles : maladie qui n'avait de drôle que le nom et que les Rois de France guérissaient par imposition des mains, parce que leur pouvoir leur venait de Dieu. A noter que Dieu aurait pu leur donner un laser géant, la vie éternelle ou un vaccin universel en grande quantité pour soigner les plaies de l'Humanité, mais non, il n' a donné que le don de guérir les écrouelles.

Empire : Mot qui veut en général dire “Royaume peuplé de méchants”.

Parsec : Unité de distance de fénéantise pour qui n'aime pas mesurer les distances exactes. C'est une façon SF de dire “super loin”.

Soubrette : Femme en tablier et en mini jupe a frou-frous employée pour passer le plumeau sur des objets trop haut pour être atteint sans escabot.

1Peu importait que la formule soit appropriée ou non, c'était plus une question de ton. L'Histoire retiendrait de toutes manières une formule mieux sentie qu'il n'aurait pas prononcé mais qui ferait mieux dans les chroniques.

22055. Les hommes lions de Pluton attaquent Monaco et renversent le prince SAS Alexandre Ier Grimaldi qui avait eu le malheur de prétendre dans ses mémoires que “Pluton ça suçe, c'est même plus une planète depuis genre cinquante ans”. Mais ceci ne concerne que les historiens concernés par la solidité du passé du monde de cette histoire, autrement dit un public trop faible pour que je m'étende.

3La cheffe, la copine de la cheffe et la “un peu moins belle qu'on appelle Machine et qui aimerait bien devenir la copine de la cheffe et qui donc fait tout ce qu'elle dit comme un petit chien”.

4Voire même créé par cette banalité, à la manière des administrations qui génèrent régulièrement des bureaux supplémentaires sans qu'il y ait à aucun moment intervention humaine.

5Depuis la crise de 2101, surnommée crise du “haha les amis, l'eau du robinet a dépassé le seuil des 33% de chance de mourir de son ingestion dans les huit heures”, le Gouvernement avait mis à disposition des robinets de substitution dans chaque demeure. C'était plus cher que de dépolluer l'eau, mais aussi beaucoup plus spectaculaire.

6Ce qui n'aurait pas empêché l'éventuel petit malin qui aurait enlevé son scaphandre d'être pulvérisé par le froid et les vents solaires, mais on ne peut pas penser à tout.

7L'épuisement des ressources du sous-sol terrien avaient depuis longtemps conduit à couper les denrées aussi précieuses  que l'aluminium avec n'importe quoi. On trouvait pêle-mêle sur le marché du feruminium, du carbominium, du cuirminium ou encore le désastreux patamodelerminium.

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Commentaires
Z
Ben ouais hein, si c'est pas de la fic interractive ça !
T
Je me suis tapé un vieux rire devant le nom complet d'Amédée le Ringard.<br /> <br /> Décidemment, je pense que tu pourrais ré-écrire le début d'EMGOH une fois par an avec la nouvelle mémétique de rigueur, je m'en lasserais pas.
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