Camuflet.
Maintenant on se tait et on écoute Albert Camus.
"Les fabriquants d'art (je n'ai pas encore dit les artistes) de l'Europe Bourgeoise [...] ont accepté l'irresponsabilité parce que la responsabilité supposait une structure épuisante avec leur société [...]. C'est de cette époque que date la théorie de l'art pour l'art qui n'est que la revendication de cette irresponsabilité. L'art pour l'art, le divertissement d'un artiste solitaire, est bien justement l'art artificiel d'une société factice et abstraite. Son aboutissement logique, c'est l'art des salons ou l'art purement formel qui se nourrit de préciosités et d'abstraction et qui finit par la destruction de toute réalité. Quelques oeuvres enchantent ainsi quelques hommes tandis que beaucoup de grossières inventions en corrompent beaucoup d'autres. Finalement, l'art se constitue en dehors de la société et se coupe de ses racines vivantes. Peu à peu, l'artiste, même très fêté, est seul, ou du moins n'est plus connu de sa nation que par l'intermédiaire de la grande presse ou de la radio qui en donneront une idée commode ou simplifiée [...]. Des millions d'hommes auront ainsi le sentiment de connaitre tel ou tel grand artiste de notre temps parce qu'ils ont appris que les journaux qu'il élève des canaris ou qu'il ne se mari jamais que pour six mois . La plus grande célébrité, aujourd'hui, consiste à être admiré ou détesté sans avoir été lu."
Volà, entre autres, pourquoi pour toute personne prétendant créer quoi que ce soit, il m'apparaît comme indispensable de perdre (que dis-je, de gagner !) une heure de sa vie à lire les Discours de Suède de Camus. Bon dieux. Il a écrit ça en 1957 !