La surprise, c'est moi.
Bonjour, ici ce n'est pas Zali, vous ne me connaissez pas, tant pis, vous y perdez. Je me présente néanmoins, mais vous pouvez m'appeler Hans-Otto Von Karnath. Comme ma vie n'est pas le sujet de ce message de blog (je sais, c'est étonnant), je ne m'éterniserai cependant pas sur les présentations et passerai tout de suite au seul sujet que j'ai pu improviser quand votre local autocrate favori m'a gaiement refilé la charge de son remarquable nid d'amour virtuel pour cause que l'autre est en repeinture. Pour ceux que ça intéresserait toutefois, sachez que ces travaux de peinture seront assurés par une société dont le nom évoque anagrammatiquement la Cosa Nostra, et que votre serviteur tant aimé y périra peut-être violemment du fait de quelque lointaine vendetta remontant à ses racines transalpines.
Venons-en au fait : je vais vous parler musique. Mais pas n'importe quelle musique ! Je me consacrerai en effet à illuminer ceux d'entre vous qui peuvent l'être, et ne le sont point déjà, sur un instrument mythique, merveilleux et pourtant tant méconnu, à la fois sobre, sportif, racé, et pourtant populaire puisque vous le trouverez pour seulement 4 euros chez votre marchand de musique, j'ai nommé : La Guimbarde.
(Ceci est une vieille guimbarde.)
Mais non, quelle boutade ! Merci à Régis, notre ami de toujours, pour cette astuce si cocasse !
La guimbarde, il faut le savoir, est un petit instrument vieux de quelques siècles, répandu sur toute la surface de la planète, et dont le principal intérêt sur le plan musical est de faire "Poing". A vrai dire, on pourrait croire que je médis là sur la profondeur des possibilités de la guimbarde, mais non ! Elle est capable de faire une variété incroyable de poings, des pooooings, des poing poing, des poing,et j'en passe !
(Ceci est une guimbarde. Quand je vous disais que c'est petit.)
Mais oui, souvenez-vous, vous avez tous dû voir un jour un cowboy avec les mains devant la bouche, qui produisait par quelque artifice curieux toute une série de petits boings rythmiques pour accompagner une bonne vieille musique country de derrière les faggots, comme on dit à propos de Brokeback Mountain dans le sud des Etats-Unis, terre d'ouverture et de raffinement. Hé bien non, le cowboy n'avait pas un talent magique et néanmoins miraculeux, il avait seulement : une guimbarde ! Car la guimbarde se joue dans la bouche, et même plus précisément contre les dents, de sorte à avoir l'air particulièrement stupide ET à se massacrer l'émail des canines quand on se rate.
(Etonnez vos amis : la guimbarde sert aussi à donner l'impression que vous cachez un furoncle)
Pour ceux que ça intéresserait, je détaille un brin le mode de fonctionnement de ce petit instrument étrange qui mériterait pourtant qu'on y consacre plus d'attention : comme vous ne pouvez pas le voir sur l'image ci-dessus mais sur la précédente, la guimbarde est constituée d'un cadre, de part et d'autre duquel on va poser ses pauvres, précieuses et si fragiles dents (sur la partie rectiligne de préférence, le bout arrondi sert à être tenu de quelques doigts agiles ou boudinés), si bien que la petite languette au milieu du cadre pourra, lorsqu'on la tirera subitement dans ce but précis et vertigineux à l'aide d'un bout recourbé à cet effet, voltiger gaiement entre l'intérieur et l'extérieur de la bouche en produisant une oscillation qui, s'appuyant sur la cavité buccale en tant que résonnateur, produit le "Poing" tant aimé (et étonnament audible avec un peu d'entraînement, croyez-moi). Ceci classe donc la guimbarde dans la liste courte mais intense des instruments à résonnateur buccal, avec le didjeridoo, l'arc à bouche (qui est un arc qu'on se met dans la bouche) et la voix. Ainsi, si vous n'avez jamais entendu de guimbarde, ce à quoi je remédierai de toutes façons en fin d'article, vous avez probablement déjà ouï un didjeridoo, et aurez une petite idée du son produit par le premier instrument en imaginant un didjeridoo de 5 cm monté sur ressorts.
Pourtant, cet instrument apparemment si ethnique, que le pur peuple européen souhaiterait reléguer à des vagues tribus de malpropres aborigènes et autres cowboys, est impressionnamment international et a d'ailleurs fait son entrée en nos belles contrées il y a bien longtemps : l'une des premières mentions en est faite dans un manuscrit érotique brugeois du nom de Gruuthuse (ahh le fin érotisme des Flandres) aux alentours de 1380, et au XVIIe siècle il servait encore à jouer la sérénade à son amoureuse au balcon. Je me permets dès à présent, pour mettre en relief ce propos, de vous donner un extrait de guimbarde afin que vous partagiez mon incompréhension quant à ce succès romantique :
http://www.mouthmusic.com/audio/MP3/morsing.mp3 Ne vivez pas au XVIIe siècle, c'est mal.
Mais cet instrument ne s'est pas arrêté à nos terres verdoyantes de lait et de miel ! Par la grâce de notre bon seigneur qui siège aux cieux, cet instrument de provenance plus ou moins inconnue n'en est pas moins virtuellement omniprésent, et une importante tradition le concernant existe aussi bien en Irlande que dans l'Altai, au Kirghistan, en Chine (où il existe en version polyphonique sous le charmant nom de Kou Xiang ou Ho Ho), ou encore fort notamment au Vietnam ! Ce qui ne sera pas sans ravir notre hélas grand absent, fin amateur de la contrée célèste qui engendra le Dan Moi, légendaire guimbarde de bambou dont le son doux et raffiné ravira les enthousiastes et épargnera en outre leur émail puisqu'elle se joue contre les lèvres (les vietnamiens ne font jamais rien comme le autres).
Ainsi donc, cet instrument est universel, et contribuera peut-être, faute de Dan Moi dans ces multiples contrées, à expliquer l'état de la dentition de tous ces vieux Kazahks, Aborigènes, Boshimans, Yakoutes, Jivaros ou encore Bruxellois qu'on voit toujours sourire de leurs trognons noircis sur les photos de National Geographic - sauf celles avec des filles aux yeux bleus, parce qu'il faut vendre, quand même.
(La guimbarde est un instrument folklorique, et accompagnera à merveille vos soirées retro eighties)
Pourtant, je ne vous sens pas convaincus par sa musicalité. Fi, dis-je, que nenni, et même palsembleu et jarnicoton. La guimbarde, outre sa vocation amoureuse (qui s'étend aussi à l'Asie du Sud-Est, preuve qu'une même idée peut aisément surgir à deux endroits et deux époques différents et se répandre à travers le monde quelque soit son degré d'improbabilité, sinon d'invraisemblance - ce qui explique beaucoup de choses concernant le sport en général et les grecs en particulier), outre cette fonction, donc, peut également fournir un support rythmique discret ou ornemental, voire agencer un morceau en une remarquable fugue de rythmes croisés et postillonnants, et les bons joueurs de guimbardes sont capables de solos qui valent bien les autres instruments percussifs tels que batteries, marimbas, xylophones, tonneaux, pianos (pour France Gall tout du moins) et hamsters.
Sa contribution couvre tous les genres, depuis le plus traditionnel http://www.mouthmusic.com/audio/mp3index.htm#Recordings
jusqu'à la modernité la plus stricte : http://www.dailymotion.com/TONTON-JD/video/267313 (JeanJean et sa Technoguimbarde)
en passant par une multitude de styles à réminiscence folklorique, et même à l'Eurovision ! http://www.dailymotion.com/video/288774
Si vous faites attention, vous vous rendrez compte qu'elle est partout, jusque dans la fameuse Hampsterdance (version longue), qui n'en exploite hélas pas toutes les possibilités.
Bref, sachant qu'une mauvaise guimbarde industrielle se trouve partout à 4 euros et des poussières, et qu'un instrument de bonne qualité coûte à tout casser 20-30 euros (les versions asiatiques en bambou moins de 10 euros si on sait où les trouver, je recommande en tout cas le site Dan Moi http://www.danmoi.de/index.htm qui présente la plus grande variété de tout le Internet) et ce en version accordée - car oui, la guimbarde peut être accordée et faire des notes, et notamment dans la musique irlandaise il arrive d'entendre des mélodies jouées à la guimbarde (un habile placement de la langue permet de changer la hauteur du son produit) en accompagnement d'une guitare ou d'une flûte - il n'y a pas de quoi se priver. En plus c'est un instrument tellement improbable que la majorité des gens seront incapables de savoir si vous en jouez bien ou non, ce qui permet de frimer devant ses amis à partir d'une semaine de pratique !
Et comme un des grands joueurs de guimbarde en ce bas monde est Tran Quang Hai, aimable vietnamien qui est également chercheur dans l'acoustique du chant diphonique, si ça vous intéresse je vous introduirai demain ou après-demain à cette fabuleuse technique vocale aussi appelée chant harmonique, qui permet de produire par la voix deux notes, voire deux mélodies simultanément, et constitue avec la guimbarde et le didjeridoo le bagage essentiel du jeune musicien ethnicisant qui pète la classe en société !
(La guimbarde et le chant diphonique rendent ces mongols fiers !)
C'est sur cette drolatique saillie de notre ami Régis, qui ne manque jamais à l'appel lorsque quelque pointe ou foucade truculente se présente, que je vous débarasse enfin de mon auguste mais piscicole présence, et vous laisse avec mon ami le Kou Xiang, ou Ho Ho, aux polyphonies enchanteresses et pourtant guimbardiques : http://www.mouthmusic.com/audio/MP3/4LeafHoHo_singles.mp3
H.-O. v. Karnath
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